il vaudrait mieux lui donner les clés de sa propre conscience.
Henri Laborit
Dans cet article je vais m’intéresser aux caractéristiques qui rendent une pensée stressante, ce qui permettra de comprendre pourquoi la méditation de pleine conscience peut nous aider à vivre plus paisiblement face au tumulte du quotidien. Pour expliciter ce phénomène je vais recourir à différentes notions telles que: conscience métacognitive, décentration, fusion et immersion.
La recherche scientifique (Jankowski et al. 2013) nous apprend qu’un des effets bénéfiques de la pratique de la pleine conscience consiste en un accroissement de la conscience métacognitive, soit une voie d’accès à la décentration vis-à-vis de soi même. Par ailleurs on retrouve aussi cet effet pour la psychothérapie en général.
La métacognition peut être définie de façon très simple comme le fait de penser sur sa façon de penser, ou encore comme la connaissance que l´on a de ses propres processus mentaux, connaissance qui nous permet de les contrôler, les organiser et les planifier. Sans le savoir nous en faisons usage à tout moment dans notre vie quotidienne pour résoudre toutes sortes de problèmes, Il s’agit d’un aspect important de notre intelligence. Les compétences métacognitives sont notamment reliées à la réussite académique et diminuent les risques de rechutes dépressives (Ramel et al. 2004).
Dans le contexte de la méditation, l’entraînement à l’observation de ses propres processus cognitifs est sous-tendu par la conscience métacognitive. Celle-ci permet de considérer les éléments de l’expérience (pensées, émotions, sensations) comme des phénomènes transitoires et non statiques survenant dans l’esprit et ainsi de ne plus être captif ou identifié au contenu de la conscience (Bishop et al., 2004). Les pensées et les émotions ne sont plus perçues comme des faits à l’instar des événements extérieurs et l’expérience est vécue avec une plus grande clarté mentale.
La pratique de la pleine conscience informelle au fil de notre vie quotidienne, nous ancre dans les sensations et nous fait prendre conscience de notre état corporel. Elle nous fait aussi lâcher notre discours intérieur permanent pour véritablement être dans le moment présent. Dans ce mouvement de lâcher-prise nous entraînons notre conscience métacognitive. Nous devenons ainsi capables de quitter l’état de fusion avec nos pensées qui leur donne ce caractère de réalité tout à fait illusoire. Nous redevenons alors présent par le biais de l’attention portée à l‘expérience vécue dans l’instant même, sans la juger ni l’analyser, mais en la laissant être ce qu’elle est, telle qu’elle est. Le non jugement permet ainsi le repos d’un mental omniprésent.
L’état de fusion avec ses propres pensées correspond à une perte de conscience métacognitive allant de pair avec une perte de liberté qu’il sera possible de retrouver dans la pratique méditative de pleine conscience. Un autre terme pour décrire cet état de fusion est celui d’immersion. Une pensée douloureuse tire son caractère stressant du fait du phénomène d’immersion qui l’accompagne. Lorsque l’immersion se produit la personne qui la vit éprouve un fort sentiment d’implication dans l’événement imaginé vécu avec de nombreux détails sensoriels et émotionnels lui conférant un réalisme intense comme dans un rêve éveillé. Ce type d’expérience acquiert ainsi un caractère de réalité subjective et donne le sentiment d’avoir voyagé mentalement à l’intérieur de la situation imaginée (Lebois et al. 2015).
La pratique formelle de la méditation de pleine conscience peut faire office de laboratoire pour expérimenter, vivre et entraîner ce phénomène mental d’entrée et de sortie de l’immersion dans les pensées. L’attention portée aux sensations nous permet aussi d’apprécier un état inhabituel de conscience sans pensée, inhabituel car nous assimilons trop souvent la conscience avec le fait de penser. Lorsque nous sommes installés dans la présence attentive, entre deux immersions dans les pensées, c’est encore notre activité métacognitive qui nous permet d’y rester et de savoir que l’on est véritablement présent, aussi éphémère que cela puisse être. Dans ce type d’expérience nous entraînons la régulation de nos propres processus cognitifs et émotionnels, une aptitude décisive pour vivre en paix avec soi-même et les autres. Nous avançons ainsi vers ce que le bouddhisme nomme l’équanimité.