La conscience du corps participe de notre conscience d’être en vie, c’est une donnée primordiale de notre sentiment d’exister. Elle représente une caractéristique de notre organisme que chacun possède à des degrés variables. A notre plus grand bénéfice elle peut se développer et la méditation nous y aide notablement.
La conscience corporelle ou intéroception nous renseigne sur l’état physiologique de notre corps au sens large, ce qui inclue des sensations spécifiques de faim, de soif, de douleur, de démangeaison, de chatouillement, de température, les sensations viscérales, etc. et plus globalement notre sensation de bien-être, de stress, d’énergie et notre humeur (Craig, 2002, 2003). Ces sensations nous servent de base pour évaluer notre état subjectif et de pouvoir répondre à la question “Comment te sens-tu?”. L’intéroception non seulement nous renseigne sur notre état émotionnel mais participe également de processus cognitifs complexes tels que la prise de décision et le contrôle de soi.
La conscience corporelle va au delà de l’évaluation de notre “moi matériel”, car comme le relevait déjà en son temps (XIXe s.) le grand psychologue et philosophe américain William James les sensations corporelles sont la base de notre conscience et de nos émotions. Sa thèse reprise ultérieurement par Damasio, redonne de l’importance au ressenti corporel, car elle fait dépendre le vécu émotionnel prioritairement de l’interprétation des signaux corporels. Par ailleurs la notion d’interoception tend à inclure également les processus de niveau supérieur que sont les croyances, interprétations et attitudes vis-à-vis des sensations corporelles. Celles-ci s’inscrivent en outre dans l’histoire subjective de la personne et sont modelées par son contexte socio-culturel (Mehling et al., 2012).
Dans certains états dépressifs ou anxieux les croyances et attitudes face au corps peuvent devenir dysfonctionnelles et se traduire par des inquiétudes exagérées pouvant prendre des allures hypocondriaques. Elles s’accompagnent souvent de somatisations.
Relevons que l’attention consciente est d’une qualité différente de cette attention anxieuse. Cette dernière tend à se manifester sur un mode automatique faisant subir son contenu à la personne, ce qui l’emprisonne alors que la première au contraire résulte d’un choix et redonne de la liberté.
Affiner la conscience de ses besoins
Notre machine biologique est en partie conçue pour que le corps envoie ses signaux au cerveau, même si la grande majorité de ceux-ci restent non consciente. Par exemple nous ne percevons pas habituellement notre tension artérielle ni les détails de notre processus digestif. La perception du signal devient par contre manifeste en cas de besoin (faim, soif, sexualité, etc.) qui nécessite une action pour rétablir l’équilibre corporel.
Si le corps semble bien adapté pour faire entendre ses besoins de base nécessaires à la survie de l’individu ou de l’espèce, il apparaît nettement moins efficace en ce qui concerne des besoins plus subtils, comme le besoin de repos par exemple. Ce besoin paraît bien étouffé chez l’homme actuel en comparaison à l’animal qui passe le plus clair de son temps en état de calme et de détente, en dehors des moments de chasse ou de fuite devant les prédateurs. La méconnaissance du besoin de repos a d’importantes répercussions négatives sur la santé tant physique et psychique de l’homme. Un des intérêts de l’adoption au quotidien d’une pratique méditative est qu’elle nous “oblige” à respecter ce besoin de calme durant un temps donné au cours duquel les contraintes sont réduites au minimum puisque le mode « faire » est abandonné au profit du mode « être ».
Dans le domaine de l’alimentation développer une meilleure écoute de ses sensations peut aider à réguler son poids. Par exemple en apprenant à distinguer les envies de nourriture à visée purement hédoniques des véritables sensations de faim qui traduisent le besoin réel de s’alimenter.
L’attention qui soigne
Il est surprenant de constater que le simple fait de porter son attention sur son corps a des effets bénéfiques. En effet lorsque l’on demande à des personnes de porter attention à leur respiration sans chercher à la modifier, comme c’est le cas dans la méditation de pleine conscience, on observe que celle-ci devient plus lente, plus profonde et plus régulière (Shapiro et al., 2000). Porter son attention sur une partie du corps comme les mains amènera le bénéfice d’une vasodilatation pouvant aller jusqu’à augmenter la température cutanée de 10°. Globalement l’attention au corps amène une meilleure connexion corps-cerveau qui se traduit par des autorégulations ou synchronisations physiologiques et énergétiques des rythmes biologiques (respiration, coeur, tension artérielle, ondes cérébrales).
Si l’attention pure est en elle-même bénéfique lorsqu’elle se focalise sur le corps, son effet est potentialisé dans la méditation de pleine conscience par l’intention qui la préside, à savoir l’adoption des attitudes d’empathie, de confiance, de bienveillance et de gratitude. Ces attitudes développent un rapport positif au corps et reviennent à prendre pleinement la mesure de la richesse qu’il constitue et à apprécier ce phénomène merveilleux de la vie qui circule en soi, instant après instant.
Pour conclure un point de méthode. Méditer vise à ancrer corporellement notre présence attentive, en allant vers une conscience des sensations brutes dans une attitude à la fois d’exploration curieuse et d’acceptation bienveillante de ce qui est.
Il s’agira de s’éloigner du fait de penser à propos de son corps, de se libérer des représentations et interprétations à son sujet.
Habiter pleinement son corps de cette façon nous dirige vers un principe de santé universel: la réunification corps esprit source de vitalité.