Lorsqu’on prend un moment méditatif de pleine conscience pour s’abstraire du tumulte du quotidien, on se donne l’opportunité d’accueillir, de reconnaître, de se relier à ce que l’on vit, ce que l’on sent, ce que l’on est, pour ensuite s’élever grâce au lâcher-prise et à la pleine acceptation. La méditation nous invite à ce double mouvement de l'accueil lucide et de l'abandon. Renoncer à s'agripper aux contenus de notre existence, les laisser aller et venir, fait de la place en nous pour un sentiment de paix qui pointe vers la dimension essentielle de notre existence.
Chacun sait combien il est aidant de parvenir à prendre de la distance, du recul face aux événements difficiles qui nous arrivent. Cette sagesse populaire nous invite à ne pas nous laisser réduire, absorber par les difficultés et à garder à l’esprit qu’ il y a en nous quelque chose de plus grand que les malheurs qui nous arrivent.
Le philosophe stoïcien et empereur romain Marc Aurèle avait déjà en son temps imaginé un exercice spirituel dénommé la “vision d’en haut” permettant de relativiser sa propre importance en changeant radicalement de point de vue. Embrasser la totalité de la réalité pour aller vers un point de vue universel, objectif sur soi et le monde.
Cela se concrétise en réalisant notre insignifiance temporelle face à l’éternité du temps ou en resituant toutes choses dans l’immensité de l’univers (ref.). La méditation pourrait se rapprocher de cet exercice spirituel quand elle nous donne accès à la profondeur de notre existence en nous faisant quitter le superflu et le superficiel qui envahit nos vies.
Ce recul et cette élévation sont d’autant plus importants à cultiver que leur absence nous mènera peut-être à notre perte. C’est à une conclusion apparentée qu’aboutit Sébastien Bohler, auteur du Bug humain, situant la cause majeure de notre incapacité à gérer la crise écologique dans les mécanismes archaïques de notre cerveau. Notre cerveau est fortement influencé par un circuit de la récompense (dont le striatum) qui nous pousse à vouloir toujours plus. Si au paléolithique une telle structure cérébrale a permis de survivre dans un environnement raréfié en nous focalisant sur le court terme, dans la société d’abondance d'aujourd’hui elle met en péril les individus et leur environnement. L’homme se comporte face à son environnement comme l’addict face à l'objet convoité (drogues, sexe, nourriture, etc.), il est incapable de percevoir le profit à long terme et le sacrifie pour le plaisir immédiat (biais décisionnel de la dévalorisation temporelle).
De ce point de vue la méditation de pleine conscience apparaît comme une solution pour retrouver un sens de la durée et élever son niveau de conscience global. Tout comme la thérapie basée sur la pleine conscience aide les addicts à se libérer de l’emprise du besoin immédiat et à redonner de la valeur aux conséquences à long terme, elle pourrait aussi apporter à l’homme la clairvoyance nécessaire à se projeter véritablement dans le futur et à percevoir l’urgence des risques écologiques à venir...