Bouddha
Lorsque l’on s’initie à la méditation, on constate rapidement que notre esprit est productif en quasi permanence, au même titre que le flux de pensées qui nous accompagne au fil de nos journées et qui empêche une véritable et entière présence au monde. Un état mental qui faisait dire à Gurdjeff que l’homme dans son état de veille habituel, est un être en sommeil qui n’atteint pratiquement jamais la conscience et que ses pensées et émotions ne sont que des réactions automatiques inconscientes, d’où l’importance du travail méditatif pour parvenir à la pleine conscience. Ainsi la plupart du temps nous sommes plus face à un trop plein qu’à un vide… En effet tout se passe comme si habiter pleinement le moment présent était contraire à notre tendance spontanée qui consiste à se projeter ailleurs en permanence. Nous poursuivent toutes ces ramifications de notre ego qui s’entremêlent avec le monde extérieur, nous laissant si peu de répit, telle une toile d’araignée dont nous serions à la fois l’auteur et la victime...
Parler de vide sur un plan spatial peut évoquer l’idée de vertige, la peur de tomber, de s’y perdre, n’y a-t-il pas ici une analogie avec le plan de la vie intérieure ? Être confronté au vide peut alors faire craindre le surgissement d’éléments inattendus, redoutés, refoulés, de notre côté obscur, tout ce que nous fuyons en nous. Ne restons-nous pas toujours dans une certaine mesure un étranger à nous même ? Méditer est une invitation à développer avec soi-même un rapport d’amitié tant avec les aspects lumineux qu’avec les parties les plus sombres. Ceci peut demander un certain courage pour regarder de l’autre côté du voile… Dans ce sens la méditation nous apprend à nous apprivoiser nous-même pour aller vers une plus grande unité de soi. Elle facilite ce que K. G. Jung nommait le processus d’individuation, soit le cheminement vers la réalisation de soi.
Que ces moments soient brefs ou qu’ils se prolongent plusieurs minutes d'affilées, faire l’expérience du “rien” dans une méditation ne va pas de soi.
Nos réactions face à l’absence de contenu de pensée peuvent être très diverses. Ce vide peut être vécu comme un repos plaisant accompagné d’un sentiment de paix, mais il peut aussi susciter un sentiment d’ennui, de dissolution des repères qui peut aller jusqu’à l’angoisse ou la perte de sens pour la pratique et prendre la forme d’un obstacle à la posture méditative. Nous sommes tellement habitués à fonctionner avec un impératif de rentabilité, de performance, de rapidité, qu’être ainsi plongé dans un espace vide de contenu préétabli peut nous sembler dérisoire, inintéressant, futile, inutile… Nos vie sont tellement remplies de mille et une obligations, préoccupations, sollicitations que se retrouver face à une forme de néant peut être ressenti comme trop dépaysant pour poursuivre ce chemin.
Pourtant faire l’expérience du vide revient alors à se frayer un nouveau chemin libre des ramifications du moi qui sont sources d’illusions, de visions erronées du monde et donc de souffrance. C’est aussi faire l’expérience de l’être dans toute sa profondeur, alors qu’au quotidien nous sommes trop souvent esclave du faire. Retour donc à une forme de simplicité, celle d’exister pour exister.
Jean-François Briefer, Dr psych.